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Le fruit de l'arbre à pain
13 mai 2009

Quand tout bascule

Nous sommes le 8 septembre 2008. J'ai 31 ans, je suis enceinte de 3 mois et je sais qu'à partir de maintenant, la vie de mon bébé est en jeu.

J'ai bien conscience des risques liés à l'amniocentèse et de la décision que nous devrions prendre si les résultats étaient mauvais. J'ai le ventre noué et mes jambes ne me portent plus.

L'amniocentèse se déroule bien, je respecte les consignes, je m'allonge une demi-heure. Mon ventre me tire mais on me rassure, tout cela semble normal. Après l'injection de Rophylac en intraveineuse avant de partir ( je suis Rhésus - ) , nous rentrons à la maison où je vais rester allongée toute la fin de la journée.

Le médecin qui m'a fait l'amniocentèse m'a fait un arrêt de travail de 10 jours, je ne reprendrais donc le travail que le 18 septembre. J'appréhende un peu ces 10 jours d'inactivité mais ma mère passera beaucoup d'après-midi avec moi.

Dés la fin de la semaine, je me rends bien compte que quelque chose cloche, les sensations que je perçois au niveau des jambes sont étranges. J'ai des fourmis dans le bout des doigts et aux orteils et l'eau froide qui coule sur mes mains me semble glaciale.

Le week-end arrive, je décide de sortir un peu. Je commence alors à percevoir les premières difficultés à descendre et à monter les escaliers. Je m'agrippe à la rampe en me disant qu'il s'agit sûrement d'un problème de circulation sanguine. Après une semaine allongée, cela me paraît plausible.

Je ne m'affole pas. Pas encore.

La nuit du dimanche au lundi, je ne dors pas. J'ai du mal à supporter le drap sur mes pieds et je ressens de l'impatience dans mes jambes.

Lundi matin, n'en pouvant plus de stresser, j'appelle la maternité qui m'a fait l'amniocentèse : on me dit que mon état n'a absolument rien à voir avec l'examen pratiqué une semaine plus tôt. Je file donc chez mon généraliste qui après m'avoir ausculté me prescrit un traitement homéopathique pour la circulation du sang. Il me précise tout de même de revenir le voir mercredi si je ne vais pas mieux.

Les heures défilent et mon état se dégrade doucement.

Mercredi matin, mon généraliste me prescrit un doppler et me prend rendez-vous chez un neurologue pour le jeudi après-midi. Il me dit alors clairement qu'il pense à un problème neurologique : une poussée de sclérose en plaques. Mon seul soucis alors c'est le bébé que je porte en moi depuis 3 mois1/2 : il me rassure, une SEP n'a jamais empêché une femme d'enfanter. Soit.

Le doppler est ok. Reste plus qu'à attendre le rendez-vous chez le neurologue. Je commence sérieusement à stresser...

Le jeudi matin, au réveil, j'ai de drôles de sensations au niveau du coté gauche du visage, je sens bien qu'il se paralyse. J'essaie de me persuader que ce n'est pas grave mais je n'y arrive plus. Mon conjoint est en déplacement, je suis donc chez mes parents depuis 2 jours et je vois bien dans leur regard leur inquiétude.

Après m'avoir fait un -épouvantable- électromyogramme, le neurologue pose sans hésiter son diagnostic : il s'agit du Syndrome de Guillain-Barré et je dois rentrer à l'hôpital en urgence pour avoir au plus vite le traitement ad'hoc.

Il est 20h ce jeudi 18 septembre 2008 quand je suis admise aux urgences de l'hôpital. Pour moi, c'est alors un véritable soulagement, car je suis épuisée.

Le lendemain matin, la chef du service neurologie vient me faire une ponction lombaire afin de confirmer le diagnostic de la veille et dans l'après-midi débute le traitement par perfusion d'immunoglobulines qui va durer 5 jours. Pendant tout ce temps, ma tension varie entre 8.9 et 15.8, je suis très fatiguée mais je n'ai pas de fièvre.

On m'a bien expliqué ce qu'était le Syndrome de Guillain-Barré et les risques encourus. A la question "peut-on en mourir?", la neurologue me répondra "on fera tout pour éviter cela". Elle m'a également expliqué les enjeux de la déglutition... Je suis donc morte de trouille et guette les avancées de la paralysie.

Et puis, il y a cette incapacité à être autonome qui est très difficile à accepter même si je sais que je n'ai pas le choix. On me fait ma toilette, on m'apporte le bassin au lit, on me ferme les yeux avec du sparadrap la nuit (la paralysie faciale m'empêche de fermer les paupières).

Je vais rester 15 jours à l'hôpital, au service neurologie. Une kiné passera tous les jours me faire faire quelques exercices dans le lit puis quelques pas difficiles avec un déambulateur. J'aurais également des visites régulières d'un orthophoniste qui m'aidera à articuler et surtout à fermer ma bouche.

Au terme de ce séjour, la paralysie s'est stabilisée : je parviens difficilement à bouger mes jambes et mes bras, mon visage est entièrement figé mais je me fais comprendre, des troubles sensoriels ont atteint mes jambes et mes pieds, ainsi que mes mains et mes avant bras.

Et puis, le cœur de mon bébé bat, c'est le plus important pour moi. Je commence même à le sentir bouger.

Avant de quitter l'hôpital, le chef de service vient me donner quelques informations concernant l'origine du Guillain-Barré : il semble qu'il se soit développé suite à une séroconversion au cytomégalovirus (CMV). On m'explique rapidement que ce virus, complètement bénin est « juste » très dangereux en cas de grossesse car il peut provoquer de graves malformations sur le fœtus et donc conduire à une interruption médicale de grossesse. Commence alors une longue période d'angoisse...

Je suis transférée le 3 octobre dans une clinique de rééducation neurologique. Je vais y rester 2 mois ½.

Je suis suivie alors par une femme médecin absolument géniale qui va rapidement démonter ciel et terre pour savoir ce qu'il va advenir de ma grossesse. Très vite, elle me déniche des rendez-vous avec des spécialistes qui me suivront jusqu'au bout.

Ces derniers nous rassurent : le risque de malformation est de 30% et est décelable dans tous les cas aux échos. Nous prenons donc rapidement, le parti d'investir cette grossesse et de donner tout notre amour à ce bébé qui commence à se faire sentir. Et ce, quelle que soit l'issue... Il n'empêche que cette épée de Damoclès toutes les 3 semaines (échos) est insupportable.

Parallèlement à tout ça, ma rééducation avance. Au programme : 2 heures de kiné le matin, entrecoupées par une heure d'ergothérapie, puis 1 heure de piscine l'après-midi. Au bout d'un mois de rééducation, je suis enfin autonome pour faire ma toilette. Je me déplace toujours en chaise roulante mais je commence à marcher avec la kiné, en la tenant par la main. J'ai aussi enfin le droit de sortir le week-end, mais cela reste très difficile moralement : voir les autres vivre normalement m'est insupportable.

Et puis, dés lors que je commence à récupérer, je commence à avoir peur de rechuter. Je me teste sans cesse et vis dans l'angoisse permanente de perdre ce que je gagne. Cette peur de régresser ne me quittera que très tard (je reverrai le neurologue fin décembre pour un contrôle). Heureusement, je suis suivie par une psychologue qui me rassure, me donne les bons conseils et m'écoute patiemment !

Les jambes récupèrent plus vite que les mains. Il me faudra attendre 3 mois de rééducation en ergothérapie pour parvenir à ouvrir une bouteille d'eau capsulée. C'est le plus démoralisant : accrocher des épingles à linge pendant des semaines (en ergo), ne pas parvenir à faire ses lacets, à mettre ses chaussettes...

Au bout de 2 mois, je marche enfin seule mais cela me demande tout de même une concentration importante (je sens très mal mes pieds).

Quand je sors de la clinique de rééducation le 12 décembre 2008, je marche naturellement et suis autonome chez moi. Je pars tout de même avec une ordonnance de 30 séances de kiné à domicile (travail sur la sensibilité que je récupère très doucement) ainsi que 30 séances de kiné en cabinet pour travailler l'endurance (vélo, stepper, etc.).

Mon ventre est bien rond même si je n'ai finalement pris que très peu de kilos pendant le 1er semestre de ma grossesse.  Il me reste désormais 3 mois pour vivre pleinement cette grossesse et montrer mon gros ventre au monde entier ! Les échos sont toujours bonnes, je commence les cours de préparation à l'accouchement, je conduis, je fais mes -petites-courses... Bref, la vie a repris malgré tout et je suis heureuse.

Le 9 février, la dernière écho montre un bébé en pleine forme et nous sortons pour la première fois de la maternité sur un petit nuage.

Moins d'une semaine après, à 10 jours du terme, le cœur de notre petit ange s'est arrêté de battre.

Elle m'avait donné la force d'y croire et de me battre quand j'entamais ma rééducation. Elle était ma lueur au bout du chemin, mon combat et ma force. Ces petits coups de pieds me disaient "avance", "ne lâche pas"... alors j'avançais pour elle, pour être certaine d'être capable de m'en occuper dés la fin février. Son cœur s'est sans doute fatigué à livrer tant d'amour... Et moi, je n'ai pas eu le temps de lui dire merci....

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Commentaires
A
Merci d'être passée sur mon blog, ça fait du bien de sentir qu'on est pas seul.<br /> <br /> Je suis navrée pour tout ce que tu as enduré, ton petit ange aurait été très fière de toi, je pense que tu peux l'être aussi.<br /> <br /> Je te souhaite beaucoup de courage pour avancer dans la vie, saches que tu n'es pas seule, & que la vie en vaut la peine.<br /> <br /> Bisou
Le fruit de l'arbre à pain
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